Le goût de l'autre

Au plus, nous sommes un couple sans histoires : trentenaires établis dans une confortable vie à la française, nous avons construit une famille. Nous n'avons pas décroché du fil régulier de l'existence. Notre goût de l'érotisme, que nous mettons en texte aujourd'hui, n'a jamais eu d'autres ressorts que le plaisir et la joie de vivre ; au mépris parfois des a priori attendus et des regards hostiles.
Si l'essence de notre sensualité est douce et naïve, il demeure des expériences qui resteront en nos mémoires comme des caps passés au prix de luttes. Devenir une Femme sexy peut être éprouvant. Nous ne le savions pas encore, ce jour là, allongés au soleil de cette plage naturiste.

C'était une coutume chère à notre couple, à la moindre occasion, nous nous rendions sur 'notre' plage. Après quelques marches, le franchissement de dunes, cette étendue de sable se déroulait sans fin de la forêt à l'horizon. Ce repère de nudistes était loin des balises du tourisme habituel ; souvent quelques gens épars se laissaient dissoudre volontiers dans les ondes de chaleur. Le temps restait suspendu, progressant timidement au caresses de nos mains et à la pénétration de la crème solaire sur nos peau mais le corps a ses besoins ! Imprévisible, Laetitia se leva et alla faire pipi dans les dunes !

Au bout d'un moment, ne la voyant pas revenir, je me hissa sur la hauteur de la dune. Quelques mètres plus loin, elle était debout en pleine discussion avec un homme. Tous deux étaient nus. Ma femme dévoilait sans pudeur son corps, son intimité intégralement épilée, lui était mince, musclé : mon regard s'attarda sur les dimensions sans équivoque de son sexe au repos. Ils riaient tous deux aux éclats lorsque Laetitia me fit un signe de la main et prit congé de l'inconnu. Elle restait songeuse si je lui posais quelques questions sur cette rencontre fortuite et séduisante mais elle était en émoi. Son corps restait comme tendu, elle jetait des coups d'œil vers les dunes et gardait ses lèvres légèrement entrouvertes, signe d'une grande excitation.

L'après midi se prolongeait, Laetitia restait rêveuse et je repris la lancinante lecture de mon roman, préliminaire à un profond sommeil. Quand j'émergea, je fus surpris de constater que le soleil diffusait déjà une lumière suave de fin de journée. J'avais dormis longtemps et Laetitia n'était plus là. Endolori, du même chemin qu'en début d'après midi, je monta sur la dune pour l'apercevoir.
A quelques mètres, dans un creux du sable, je vis quelques hommes qui observaient l'inconnu : il était à genoux, le torse droit et à ses épaules se logeaient les jambes d'une femme. Je vis un bracelet à ses chevilles rythmant les assauts de l'homme. C'était un bracelet en or, le cadeau de nos sept ans de mariage.
Je m'avança sensiblement. Laetitia était dos au sol, les bras écartées en croix, ses hanches étaient fermement maintenues par l'inconnu, ses râles arrivèrent jusqu'à moi. Les cinq ou six étrangers spectateurs étaient comme hypnotisés, Laetitia devait voir leurs pieux dirigés vers elle, dressés en hommage. Je pris le partie de ne pas me faire voir, laissant ma femme à la luxure, savourant le plaisir d'être le mari d'une femme d'exception.
Après un long temps, elle revint à nos affaires en marchant lentement, le corps sublime, avec un sourire immense aux lèvres. Elle avait gardé de son ventre à ses seins la semence de cet homme ! Elle arborait ce sperme au goût de l'autre comme une parure de plaisir, un habit de sa féminité rayonnante. Une image subliminale s'échappa de mon esprit : Laetitia marchant entre ses hommes, la jouissance de cet inconnu les invitant à la soumettre ensemble à leurs virilités.

Souvent, nous ne savions que dire après l'amour, nos corps étant notre seule voix. Le regard fiévreux, le corps fourbu, elle s'allongea auprès de moi, passa sa main distraitement sur ses seins et se lova pour s'endormit profondément.