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Les frangines 3

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Lue : 4349 fois - Commentaire(s) : 1 - Histoire postée le 25/05/2011

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Trois semaines plus tard, je retrouve une possibilité de retourner en permission. J’ai reçu trois lettres gentilles d’Aurélie, je me suis appliqué à lui répondre gentiment, je lui ai raconté mes journées de chef de section, en allemand. Je viens de recevoir la neuvième lettre de Laure. Toutes sont chargées de ses déclarations d’amour, de son souhait de me revoir au plus vite. Je lui manque. Grâce à un arrangement de dernière minute avec Gérard, je vais pouvoir la serrer dans mes bras aujourd’hui. Elle m’a ensorcelé.

Tout baigne. Je sonne. La jeune sœur, Aurélie ouvre la porte. Elle est seule à la maison, ses parents tiennent la boucherie. Je n’ai pas de chance, Laure est partie il y a moins de cinq minutes avec son amie Emilie. Elles voulaient fêter notre rencontre, parce que Laure a claironné par monts et par vaux qu’elle venait de trouver l’homme de sa vie. Elle a emporté son maillot de bain mais doit passer au casino avant d’aller à la piscine.

- Si tu veux je vais t’accompagner, ça me sortira. Dis, tu veux bien, futur beau-frère? Pourquoi ne portes-tu pas l’uniforme et le képi aujourd’hui? Attends un peu, je me prépare et je te guide.

Elle virevolte, questionne et n’attend pas les réponses, disparaît. J’ai abandonné l’uniforme, pour savoir si je suis aussi aimable en tenue civile. Un pinson de compagnie: elle est mignonne cette Aurélie, future petite belle-sœur et autant m’en faire une alliée. J’aurai l’air moins perdu en si belle compagnie et Laure se réjouira de me savoir avec sa sœur et confidente. Laure est sortie avec des amis, c’est conforme à mes souhaits. Elle va me tendre les bras, me sauter au cou devant tout le monde. Si nous réussissons à nous isoler, peut-être, ses règles passées, peut-être…

- Allo, on y va? Tu rêvais? Tu es vraiment amoureux!

Un coup de peigne, un peu de fard, une robe à la taille marquée, une touche de je ne sais quoi, un coup de baguette magique: Aurélie est transformée, resplendissante. Elle me tire à la modeste 4L, s’y installe et éclate de rire sans raison. En route.

Un trou dans la chaussée, la porte de la boîte à gants saute.

- C’est quoi cette petite boîte à ruban? Un cadeau pour Laure? Oh! Une bague de fiançailles? Dis, c’est sérieux, tu es amoureux de ma sœur? Quelle chance elle a! Elle était tellement impatiente de savoir. Dis, c’est ça, une bague? Elle va être contente!

- C’est un bijou de famille, ma mère le tient de sa mère qui le tenait de sa propre mère. C’est une alliance toute simple, elle a surtout une valeur sentimentale. Si Laure n’a pas changé d’avis, elle sera le signe de notre amour.

- Pose-toi sur ce parking. Dis, tu veux bien que je te donne le bras? Si mes copines me voient avec toi, elles vont « criser de jalousie ». Juste pour du beurre, tu comprends.

A trente mètres devant, un couple sort de l’arrière d’une 309 en stationnement. Ils se rejoignent sur le bord de la route et s’embrassent avec fièvre. Aurélie descend, fait

- Oh! Ah! Non! Si j’avais su, je ne serais pas venue ici. Partons.

Elle tend l’index vers les deux amoureux, porte une main à la bouche et se tourne vers moi. Je regarde, n’en crois pas mes yeux: devant moi, à quelques pas, la fille plongée dans un baiser profond, c’est Laure. Aurélie accourt vers moi, je reste planté à hauteur de ma portière.

- Excuse-moi. C’est Emilie qui est venue la chercher, elles devaient faire une sortie entre filles du même âge! C’était juste pour m’éliminer. Que fait-elle avec ce Raymond? Elle m’avait juré que c’était fini. Depuis trois semaines elle a répété Adrien ceci, Adrien cela, je l’aime, je suis folle de lui, Adrien, Adrien. Veux-tu que j’aille les séparer. Oh! L’idiote.

Pourquoi idiote? Elle s’est ravisée et n’a pas eu le temps de m’en avertir. J’ai fait 150 kilomètres en cherchant la façon la plus élégante de lui dire que j’étais amoureux, que j’acceptais définitivement d’être son fiancé. Je voulais la présenter à mes parents. Nous allions fixer la date de nos fiançailles officielles. Elle a changé d’idée, a choisi un autre homme, c’est son droit. Mes illusions viennent de s’envoler. Je ne suis pas fâché, mais soulagé d’avoir découvert aussi vite et aussi simplement ce qui saute aux yeux. On ne conduit pas une voiture depuis la banquette arrière, on n’embrasse pas un homme qu’on n’aime pas comme elle le fait sous mes yeux. Sans parler, nous nous sommes tout dit. Pas besoin de circonlocutions pour décrire la situation. Si j’avais quelque chose à lui reprocher, ce serait d’avoir joué à l’incendiaire sans avoir prévu l’intervention des pompiers. Elle m’a allumé, je brûle et elle va éteindre l’incendie chez ce Raymond! Bof! En me donnant un peu de mal, je trouverai une solution. Je devrais la remercier d’avoir mis le problème en évidence. Aurélie est plus désolée que moi. Je la retiens, j’offre mon bras comme promis pour épater ses copines.

- Adrien, ça ira? On avance ou on retourne à la maison?

Je ne sais pas. Je veux cacher ma déception. Je biaise pour gagner du temps afin de me ressaisir.

- Quel âge as-tu? Dix-huit ans?

- Oui, la semaine prochaine. J’ai deux ans et onze mois de moins que ma sœur. Et toi, je le sais tu as vingt-et-un ans comme elle. Ca ne fait pas une grande différence entre toi et moi. Allons-nous amuser. Je suis triste pour toi, mais c’est mieux ainsi; Laure est trop instable pour toi.

- Ah! Tu crois? Voilà un précieux renseignement. Il arrive un peu tard, mais en ta compagnie je vais profiter de ma permission. Tu veux t’amuser? Amusons-nous.

- C’est vrai, tu ne m’en veux pas? Mon père a cinq ans de plus que ma mère et ils s’aiment toujours.

Où veut-elle en venir?

Nous avançons, à l’avant le couple se désunit, Raymond conduit Laure, ils avancent, main dans la main. Chaque petit bisou les retarde, nous serons bientôt à leur hauteur. J’ai l’impression de revivre mon premier week-end avec Laure, la distribution de petits bisous par ci, par là. Chaque bisou demande un arrêt, un demi-tour sur place. A aucun moment Laure occupée à « bisouter » ne nous remarque: nous ne sommes que deux ombres vagues dans son champ de vision. Aurélie m’arrête. Elle est restée muette une minute, m’observe, esquisse un sourire gentil teinté d’un zeste de désolation.

- Laissons- les prendre de l’avance. Ne sois pas triste, une de perdue, dix de trouvées. Tu sais, je connais des filles bien, de mon âge. Elles donneraient une fortune pour trouver un gentil mari comme toi. Et celles-là, elles ne feraient pas comme Laure. Ca te fait sourire. Mais c’est vrai! Tu veux un exemple? Regarde-moi: je pourrais te plaire? Je ne suis pas trop moche?

- Pas trop, en effet.

Je suis taquin de naissance. Ca ne me réussit pas toujours. A bien la regarder, Aurélie est une superbe plante avec un cœur compatissant. Si je devais désormais choisir entre elle et son aînée, je n’hésiterais pas.

- Ah! Bon. Donc il faut que je trouve mieux. Plus grande? Plus mince? Plus belle? Mieux sapée? Avec des yeux bleus, bruns, verts? Allez, parle.

- Tu sais, c’est mon affaire, j’ai encore des études à terminer. Merci de vouloir m’aider. Ne te crois pas obligée de réparer les dégâts. Ta sœur m’avait abordé, j’ai eu le tort de m’embraser trop vite. Ta sœur m’oublie, c’est la vie.

Ma voix se casse

- Oui, mais, si par hasard, de façon tout à fait impossible, si je te disais, ce n’est qu’une supposition, bien entendu. Alors, tu m’écoutes? Si donc je te disais que je suis amoureuse de toi, qu’est-ce que tu me dirais, hein?

Ses yeux se font pressants, elle attend je le crains une réaction de vengeance qui me jetterait dans ses bras. Naïve enfant, elle n’a pas encore connu l’épreuve, la déception, la trahison, la grande désillusion, la débâcle. Je ne veux pas l’aimer par défaut.

- Tu as déjà été amoureuse? As-tu déjà déclaré ton amour à un garçon? Tu as certainement un petit ami?

- Non! Une fois, il y a deux ans j’ai dit à un garçon que je l’aimais. Il a ri et l’a raconté à tous ses copains. Ils m’ont chahutée. Depuis certains m’ont fait la cour. Mais je ne veux pas des aventures, je veux l’amour, avec un grand A.

- C’est bien. Tu le trouveras certainement, je te le souhaite de tout cœur.

- Merci, mais tu n’as pas répondu à ma question. Alors?

- Je te demanderais d’attendre, de bien réfléchir, de t’armer de patience, de voir si un autre ne te conviendrait pas mieux. J’ai dit la même chose à ta sœur et tu vois cela lui a réussi.

- Je ne crois pas. Moi, je ne suis pas ma sœur Et j’ai souhaité que Laure te laisse tomber. Pour la première fois elle paraissait pourtant mordue sérieusement. Mais chaque fois elle finit par se lasser. De tous ses copains tu es le premier dont je sois tombé amoureuse au premier coup d’œil. Moi, je serai fidèle; je suis vierge, tu sais…

Que dit-on en pareilles circonstances? Je me contente de la regarder. Elle est si fière de son affirmation. Assurément ce n’est pas Laure, cette fille délurée qui m’a bouleversé, qui s’est donnée sans chichis et a mis mes sens en feu, dont j’attendais tant. Vierge et si belle, de surcroît amoureuse de moi.

- Avançons, ils sont entrés au casino. Tu as déjà joué aux machines à sous? Non? Je n’en ai pas le droit à cause de mon âge. Tu veux essayer, je suis sure de te porter bonheur.

Me porter bonheur aujourd’hui. La pauvre. Enfin elle n’est pour rien dans ce qui m’arrive. Elle achète pour moi un minimum de jetons. Elle voit une place qui se libère, se précipite et me fait signe de venir. La machine voisine, à gauche, occupée par Laure, captive le regard de cette « ex » éphémère. Son accompagnateur est collé à son dos, il cherche la bonne position dans le sillon, remonte ses mains jusque sous les bras de Laure. Elle est tellement prise par son jeu qu’elle ne me regardera pas, elle ne sent pas mon regard fixé sur elle et sur les deux mains qui viennent empaumer ses deux seins. Elle a juste un léger mouvement de croupe pour mieux accueillir la barre en bas de son dos.
Le type se penche et dépose un baiser suceur sur sa nuque. Deux gaillards sont postés derrière lui. Je les reconnais, ce sont les deux bodybuilders vus à la piscine il y a un mois. Ils forment une espèce de paravent qui isole les amoureux. Que font-ils là? Attendent-ils leur tour, prendront-ils la place de Raymond?

- Allez, Raymond, ne sois pas impatient. Je n’en ai pas pour longtemps.

Laure relève la tête, la tourne reçoit un petit bisou et retourne aux commandes. Elle ne m’a ni vu ni reconnu, là, à environ un mètre.

« Tu me manques déjà, je ne pense qu’à toi, reviens vite, je t’attends! » m’a-t-elle écrit

Aurélie, tire sur ma manche,

- C’est dégoûtant! Joue, tu ne peux pas rester devant une machine sans jouer.

Laure n’a pas reconnu la voix de sa sœur. Dans son dos monte la petite bête qui monte, qui monte et la machine vorace avale ses jetons comme pour la livrer plus vite à ses prochaines activités. Le fameux Raymond m’a vu les observer. Il me fait un clin d’œil, et par défi ou pour montrer son talent de tombeur, le regard tourné vers moi, il lâche le sein emprisonné, laisse descendre sa main, palpe le ventre, descend encore. Il a l’air de me dire:

- Tu vois comme il faut faire. Prends une leçon. M’aurait-il reconnu? Il m’a vu en uniforme et trop vite.

Il enveloppe entièrement le corps de cette fille qui peste parce que la machine épuise sa réserve de pièces. Les doigts ont atteint le bas de la jupe. Je suis ébahi, elle laisse faire sans protester et même d’un mouvement instinctif, elle déplace son pied droit qui vient heurter mon pied. Sans détourner les yeux de son appareil, elle grogne un « pardon ». Elle lui a ouvert la voie, la main plonge. Raymond me regarde tout sourire et je devine que ses doigts ont atteint leur but. Il secoue la tête, s’accorde un satisfecit, Il ferme les yeux pour régler l’agitation de ses doigts sur la vulve. Les effets sont immédiats. Laure se met à trembler, son clitoris frotté avec vivacité lui transmet des ondes irrésistibles. Ses yeux se ferment, recueillis sur les sensations déchirantes, sa bouche s’ouvre sur un souffle court, sa main droite perd la pièce qu’elle voulait introduire dans le bandit manchot. Raymond sort sa main, suce son majeur avec des airs de gourmet et repart sous la jupe en riant. Derrière lui, un gaillard demande s’il aura bientôt fini. Le type cynique, souffle à l’oreille de Laure, assez fort pour que je l’entende

- T’as oublié ta petite culotte dans l’auto. Tu aimes mon doigt?

Elle gémit une sorte de oui. Aurélie tire sur ma manche, furieuse, secoue mon bras, pose ma main sur le bras unique de la machine

- Il faut jouer ou céder la place.

Elle appuie sur mon bras. Les rouleaux tournent. Il faut attendre. Les yeux de Laure me fixent, vides, presque révulsés, en pleine pâmoison, elle me voit mais ne me reconnait pas. Son visage rouge, la sueur sur le front trahissent l’excès de plaisir qui la dévaste.

Tout à coup ma machine vibre, lance des éclairs de lumières multicolores, sonne l’alerte et j’entends avec stupéfaction un bruit d’avalanche. Le bourdonnement de la salle s‘arrête. Au silence succèdent des applaudissements, un attroupement se forme, je me demande ce qui se passe. Aurélie est pendue à mon cou et crie:

- Tu as gagné. Le jackpot, du premier coup. Tu as gagné. Je t’ai porté bonheur.

Aurélie m’embrasse sur les joues, lève les bras, trépigne sur place, jette ses bras autour de mon cou. Dans mon dos j’entends une voix d’homme:

- Une veine de cocu! Aurélie?

Je me tourne, c’est le type de Laure. Elle me voit, sort de ses brumes, me reconnaît, change de couleur, les seins toujours prisonniers des deux mains remontées sur sa blouse.

- Oui, c’est bien ça, une veine de cocu. Dis-je en direction de Raymond.

- A- dri-en, c’est toi?

Je suis sans parole. Je n’ai rien à lui dire. Je n’ai pas de colère. Nous avions convenu de réfléchir et de nous prononcer plus tard. Elle réalise vite et trouve plus décent de se taire, reste figée. Un bodybuilder lui tend des pièces, elle fait non de la tête. Raymond tente de l’embrasser, elle le repousse comme indignée par son audace.

La suite c’est du délire. On me félicite, je suis reçu sur un podium, exhibé, preuve vivante de la possibilité de gagner une grosse somme. A côté de moi, Aurélie jubile. Photos, interviews, remise solennelle du chèque et champagne. Je suis le mouton à cinq pattes du jour. On veut me voir, on touche mes vêtements parce que je dois porter chance. Je pleure, forcément des larmes de joie après un gain pareil. Je n’ai pas droit au chagrin!

Un type se présente avec un micro, me bombarde de questions. Il faut faire mousser l’événement, pousser les mordus à la dépense.

- Oui, je sais ce que je vais faire de cette somme.

Mais je garde les détails pour moi. Rembourser mes dettes, (je pense à Gérard et à mes parents). Payer mon inscription annuelle à l’école supérieure de commerce, mes loyers, mes frais de bouche et de scolarité.

- Etes-vous fier de battre le record de gain du casino?

Je dis oui, mais il n’y a pas de raison d’être fier.

Le speaker ne me lâche pas:

Etes-vous célibataire? Avez-vous une fiancée, une petite amie. Attention on dit « Heureux au jeu, malheureux en amour? Qu’en pensez-vous?

- Cocu, crie un gars plein d’esprit d’à propos. Ca fait rire.

- Non, je ne suis plus fiancé, ma fiancée vient de me quitter aujourd’hui même. Oui, une chance de cocu si vous voulez, lançai-je à l’adresse du plaisantin.

Laure quitte la salle, de la porte elle à un regard vers le podium et s’en va, seule.

- Mesdemoiselles, y a-t-il des prétendantes pour consoler notre gagnant? Levez la main.

C’est effrayant, des mains se lèvent. Va-t-il me mettre aux enchères? Je salue, qu’elles se débrouillent. De toute façon, accrochée à ma manche, Aurélie a pris les devants. Elle n’est pas disposée à se laisser doubler. Nous réussissons à fuir la foule excitée, les machines sont toutes occupées et des files d’attente se constituent derrière les joueurs. C’est jour de chance proclame le speaker.

A l’air je me tourne vers Aurélie. Elle pleure, à chaudes larmes.

- Ne t’inquiète pas. Tu as joué pour moi. Tu auras une récompense. Je n’ai pas voulu l’annoncer en public, ça ne regarde que nous. Ne pleure plus. Allons, calme-toi. C’est l’émotion? Qu’as-tu enfin? Aurélie, souris-moi!

- Il est trop tard. Maintenant tu as gagné et j’ai tout perdu. Si je te dis que je t’aime, tu croiras que j’en veux à ton argent!

C’est dit entre deux sanglots. Elle est si belle, même lorsqu’elle pleure. J’en suis tout attendri.

- Aurélie, tu me l’as dit avant, je crois: « si par hasard, de façon impossible, c’est une supposition, si je te disais que je suis amoureuse de toi… » C’était avant d’entrer au casino. Je ne te soupçonne pas de cupidité.

- Tu faisais semblant de ne pas comprendre! Mais alors je peux te le dire: Je t’aime! Je t’aime!

- Tu connais ma réponse, souviens-toi.

- Tu ne me repousses pas? Tu veux bien que je t’attende? Je t’adore. Dis, je peux t’embrasser?

Je lui tends la joue.

- Non, pas comme ça. Comme ça aussi, tiens. Mais aussi comme une vraie femme.

Je plaisante:

- Tu veux me faire poursuivre pour détournement de mineure?

- J’aurai dix-huit ans la semaine prochaine et tu ne seras pas là pour mon anniversaire, fais-moi une petite avance!

Elle ferme les yeux, offre sa bouche tendue en cul de poule. C’est émouvant et drôle. Je pose mes lèvres sur les siennes, je compte jusqu’à cinq et je me retire. Elle est radieuse.

Elle me conduit à la boucherie, arrête ses parents en plein travail, me présente, réclame comme unique cadeau d’anniversaire l’autorisation de sortir avec moi ce soir et demain matin, promet d’être sage.

- Et ta sœur? Dit la maman.

- Elle t’expliquera ou nous en parlerons plus tard.

Quel contraste. Vierge elle est, vierge elle restera. On peut parler de fraîcheur, de candeur. Tout est nouveau, beau, intéressant pour elle. A son contact je retrouve la raison. Je connais le bonheur tout simple d’être aimé. Elle est aimable. Elle est calme. Elle est déterminée. Si je le veux, elle sera ma fiancée.

Dans six semaines je serai en permission libérable. J’ai demandé à Aurélie de travailler pour obtenir son bac. Une lettre par semaine doit suffire. Elle me répond que l’amour lui donne des ailes. Ses études sont plus faciles depuis notre rencontre. Elle veut être digne de moi, me faire cadeau d’une mention. De son côté Laure a protesté de sa bonne foi. Elle a fêté nos fiançailles avec Emilie. Le champagne aidant, Emilie devant s’absenter, elle a accepté de passer son après-midi avec Raymond, mais, précise la lettre, en camarade. Je devrais savoir combien elle m’aime. Elle souhaite mettre fin au malentendu et me retrouver.

La relève des EOR est arrivée en avance. Nous terminerons notre service en roue libre. Heureuse nouvelle. La 4 L dévore les départementales. Gérard est pressé de faire la connaissance de ma jeune correspondante et de jauger la grande sœur. Il trouve ma réaction excessive.

Hélas, à la boucherie la maman m’apprend que ses deux filles sont parties au lac. Si elle a bien compris, Laure veut initier sa jeune sœur à la vie en groupe, maintenant qu’elle est majeure. La brave bouchère est ravie de la bonne entente des deux sœurs. Pourtant dans sa dernière lettre Aurélie se plaignait des rebuffades de son aînée. Laure lui reprochait de m’avoir intentionnellement mis sur sa piste. Mieux que la maman je connais les activités essentielles du groupe de Laure. Je les ai vus à l’œuvre. Le pire est à craindre. En route pour le lac.

Selon l’habitude, Laure a dû choisir son carré éloigné, si discret à l’abri des thuyas. Nous utilisons le terrain pour aller nous poster juste au-dessus de leur retranchement sans être vus. En écartant des branches, nous comptons quatre tentes doubles. Je reconnais les voix de Léa et d’Emilie. Elles donnent déjà le ton à la rencontre. C’est l’heure de la sieste crapuleuse

- Hé Marc, tu veux donner un coup de main? Léa voudrait profiter de l’absence de Marie pour tenter une double. Ca te dit? Viens sous la tente.

Sylvestre et Marc, les jumeaux partagent tout. Une voix proteste
- Et moi, vous me laissez seul? Ho les frangines, vous n’auriez pas une petite place pour un pauvre délaissé?

- Viens, Raymond, répond la voix de Laure, on va se serrer

- Alors je sors, on aura trop chaud à trois. Je vais aller faire un tour au bord de l’eau.

- Ne fais pas la rabat-joie. Si tu as trop chaud, fais comme moi, mets-toi en bikini. Allez entre Raymond.

- Faites ce que vous voulez, Raymond laisse-moi sortir.

- Elle est amoureuse de son Adrien. Pauvre petite sœur. Il m’a plaquée après m’avoir séduite. La même chose te pend au nez, il va se servir de toi pour son plaisir et adieu.

- Il ne t’a pas plaquée, tu l’as dégoûté. Il a eu raison.

- N’empêche qu’il ne répond plus à tes lettres. Au lieu de rêver, tu ferais bien mieux de profiter de la vie. On est 4 filles et 4 garçons, tu choisis celui qui te plaît et tu te débarrasses de ta virginité inutile. Papa et maman n’en sauront rien. Cesse d’être une gourde. Et si Adrien revient, il sera content d’avoir une fille expérimentée.

- C’est ma vie. Bon, à plus tard.

- Non, reste, nous devons parler. Raymond, j’ai prévu une séance de ski nautique à 14h 30. Il va être l’heure. Conduis les autres, amusez-vous.

J’assiste à une séance orale d’initiation sexuelle.

- J’étais comme toi à dix-huit ans. Tu dois sentir par moment le poids de ta virginité. Que t’apporte-t-elle en réalité? Tu rejettes systématiquement les garçons, tu te prives des plaisirs sans compensation.

- Adrien a eu l’air si heureux quand je lui ai dit que j’étais vierge.

- C’est un égoïste. Lui n’est plus vierge. Ici même sous cette tente, lui et moi avons fait l’amour. Assez mal d’ailleurs. Il n’a aucune expérience.

Gérard m’envoie un coup de coude, se moque de moi en baissant le pouce comme un empereur romain.

- Tu prétendais le contraire avant de te faire pincer avec Raymond au casino.

Je tire la langue à Gérard.

- Je ne serais pas retourné chez Raymond si Adrien m’avait comblée. C’est aussi simple.

- Pourquoi écrire à Adrien que tu l’aimais? Pourquoi promettre d’attendre la fin de ses études pour l’épouser?

- C’était le fiancé idéal: jamais là, donc pas gênant. Un bouclier aux yeux de la famille et des connaissances. Pendant ses études j’aurais pu faire toutes les expériences, m’amuser, continuer à coucher avec mes copains. Et pour mes amants un piment: un mec cocu grâce à eux, excitant, non? Lui ça ne le privait pas et moi je profitais de la vie.

- C’est dégoûtant. Et tu l’aurais épousé?

- Bien sûr. Ca aurait fait un bon mari. Il aura une bonne situation, sera fidèle. Avec le temps je l’aurais formé à l’amour. Et s’il n’avait pas été à la hauteur, les copains ne m’auraient pas abandonnée.

- Quoi, tu l’aurais trompé. Mais Laure, tu es un monstre!

- Ouvre les yeux fillettes. Tu crois me l’avoir volé. Il ne pense peut-être plus à toi. Donc je ne vois pas au nom de quoi il pourrait t’imposer de rester vierge pendant 4 ans. Juste pour le plaisir de vérifier pendant la nuit de noces que ton vagin est protégé par l’hymen. Quatre années de ceinture pour la satisfaction d’un bonhomme qui n’est plus vierge: c’est un peu gros.

Elle a raison, le jeu est inégal. Elle a préparé l’entretien.

- Te vouloir vierge dans quatre ans, c’est vouloir te contrôler, t’empêcher de faire l’amour avec d’autres.

- D’accord, mais pour lui c’est renoncer à me faire l’amour pendant la même durée.

- Comment sauras-tu qu’il ne prend pas une maîtresse? La femme est désavantagée, chez elle ça se voit.. Avec les mois tu vas avoir de plus en plus envie d’aimer, d’être aimée. Des garçons tomberont amoureux de toi, tu seras amoureuse peut-être, ça ne se commande pas toujours. A ta place je me donnerais à lui, je perdrais ma virginité et j’y gagnerais la liberté. Tu serais libre d’aimer qui tu veux, quand tu veux, comme tu veux: il n’y verrait que du feu.

- Je le connais, il a promis de me respecter.

- C’est pour mieux te contrôler. Mais admettons qu’il te respecte. A l’heure actuelle dans les cliniques on peut te recoudre une virginité. C’est une petite opération, pas douloureuse, discrète et pas trop chère. Autrement dit, une fille avertie peut se servir de son corps, faire l’amour et, à la veille du mariage se refaire une virginité.

- Cela manque de sincérité, c’est tricher. Je ne veux pas mentir à l’homme que j’aime.

- Tu es romantique. Ca te passera avec l’âge. Imagine ton mariage avec Adrien: tu es vierge, lui dépucelé mais sans expérience. Ta nuit de noces sera une catastrophe dont tu garderas toute ta vie le souvenir amer. Toi, tu peux éviter d’en vouloir toute ta vie à ton mari et lui donner la joie d’une nuit de noces réussie, c’est important pour l’entente d’un couple.

- Je te rappelle que tu es toujours célibataire. Tes théories t’ont fait perdre Adrien, souviens-toi.

- Une femme d’expérience rend son mari heureux. Elle lui apprend comment se comporter pour vaincre timidité et gêne, elle sait le guérir de ses complexes, de ses petites peurs, elle le met à l’aise. C’est un art très prisé des jeunes maris. Mais c’est une femme d’expérience, il faut le devenir par l’exercice.

- Tu parles en connaissance de cause. Tu as eu Marc, Sylvestre, Gilles, Raymond, Adrien et sans doute d’autres amants inconnus! Tu es une femme d’expérience! Ca n’a pas retenu celui que tu trompais.

- Adrien m’a trouvé merveilleuse. Sans toi, il serait à mes pieds. Tâche à ton tour d’être merveilleuse pour lui. Accepte donc de prendre des leçons. Et autant commencer avec un homme très expérimenté. Ton dépucelage réalisé par un expert sera gravé dans ta mémoire et dans ton corps. Et ensuite tu progresseras et le jour venu tu rendras Adrien heureux. Tu peux gagner sur tous les tableaux

- Tu es bien soucieuse de son bonheur. J’espère ne pas avoir à te chasser loin de mon mari. Utilise ton expérience pour dénicher ton futur mari. La prochaine fois, essaie d’être honnête si tu veux le garder.

- Un jour tu reconnaîtras que j’avais raison. Le plus tôt sera le mieux pour toi. Si tu veux, dès ce soir tu pourras commencer ton apprentissage parmi nous.

- Où trouve-t-on ce phénoménal dépuceleur? A quoi le reconnaît-on? Faut-il payer les services du spécialiste? Laure, tu me fais rire. Je devine où tu veux en venir: l’oiseau rare, choisi par toi, pour me former s’appelle Raymond, tu veux me le prêter, ou me prêter à lui plus exactement. Ce soir peut-être? Tu es trop gentille. Je n’en veux pas. Un jour mon prince viendra et nous découvrirons ensemble l’amour, nous forgerons ensemble notre plaisir. Ca ce sera merveilleux! Comme dans les contes de fées.

- Réfléchis, ce sont les conseils d’une grande sœur qui veut te faire profiter de sa propre expérience.

- Expérience malheureuse et peu exemplaire. As-tu besoin de me vendre à Coucou pour le garder? Je peux aller me promener maintenant?

Aurélie s’éloigne, je vais la suivre et l’enlever. Quelqu’un arrive

- Tu es là Laure. J’ai vu partir ta sœur. Alors où en es-tu?

- Ce n’est pas gagné. Elle est mordue de son Adrien. C’est à cause d’elle qu’il nous a surpris au casino. Elle va me payer ça. Si tu réussis à lui faire l’amour, je coucherai avec toi. Tu m’entends. Cesse de m’exciter, rattrape la, baratine la, chauffe la. Quand elle s’endormira ce soir, je te laisserai ma place sous la tente.

- Ne t’en fais pas, quelques baisers, quelques caresses et elle sera à moi. Bon, je fonce. N’oublie pas ta promesse, ta sœur est mignonne, mais tu es ma préférée pour l’amour, tu baises comme une reine. Ha! Si je n’avais pas une vocation de célibataire et si tu ne tenais pas tant à te marier!
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Histoire de Veilleur

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