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La tête entre les jambes

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Lue : 1397 fois - Commentaire(s) : 1 - Histoire postée le 10/08/2020

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Los Angeles, une fin de journée presque ordinaire à la bibliothèque de l’université.

Madame Chou* en parfaite responsable allait rentrer chez elle, lorsque de la coursive elle avise une lueur instable dans la salle de lecture. Elle avait pourtant éteint partout, fermé les portes de l’étage. Une liseuse peut-être, un e-book restés connectés ?

Retour sur ses pas, coup d’oeil en direction de la fenêtre avant de s’obliger de revenir, au moins dans l’entrée pour débrancher l’électricité. Mieux valait être prudente avec ces feux de collines à répétition. « Tiens... elle n’est pas partie avec les autres, la petite jap ? » 

Esquisser un demi-tour pour rappeler gentiment que les locaux ferment à 20 heures ? La silhouette entraperçue de l’étudiante la pousse à se rapprocher.

« Oh mais... très absorbée, mademoiselle Akagi ! » La bouche tordue, elle se pince la lèvre en de petits mordillements, colle son visage à l’écran, s’en éloigne aussitôt, au gré des enchaînements sur l’ordi, probablement. Manifestement seule au monde. Qu’est-ce qui peut bien la captiver à ce point ?    

Elle venait régulièrement depuis quelques temps, le plus souvent accompagnée de ses copains de fac. Madame Chou avait même presque sympathisé. Etait-ce en raison de la proximité relative de leurs origines respectives ? Shanghai-Kyoto... quelques brasses après tout ! Ou était-ce en réaction inverse à l’attitude simpliste de son ex-mari qui lui, nourrissait une ancienne et peu shintoïste animosité envers tout ce qui porte la marque de l’Empire du Soleil levant ? Elle est pourtant si réservée, mademoiselle Akagi.

Ce qui avait le don d’agacer madame Chou était cette sorte de suffisance dont faisait parfois preuve la jeune demoiselle. Cette affectation de supériorité à l’égard d’autrui, il fallait la mettre au compte d’un excès de timidité, bien sûr. Les temps changent, les générations se succèdent, le naturel demeure. Souvent tenace. Oh ce n’est certes pas motivée par la seule envie de bien faire, que madame Chou s’est avancée un peu plus vers la fenêtre ce soir là. L’intuition est quelquefois bordée de bonnes intentions.

Elle n’avait plus eu d’attirances particulières pour les filles depuis belle lurette, mais là, le direct absolu avait de quoi réveiller les démons endormis. Le jeans grand ouvert à la taille, le bas-ventre mouvant, la main plongée sous la ceinture d’un  « panty »  dont on distinguait même le liseré au haut de la cuisse. Passepoil, trésors, tendances. Concentrée, toute tendue mademoiselle. Le genre d’instantané qu’on ne saisit qu’une fois.

Craquant ! Et en fan que l’on est des prises sur le vif, comment s’empêcher dès lors, de retirer prestement le portable de la poche de son fourre-tout ? Oui mais oups... voilà que le flash était resté bêtement commuté.

De l’autre côté, on sursaute, surprise et manifestement embarrassée. On s’empresse de réajuster son jeans tant bien que mal, on risque un regard vers la fenêtre, on s’extrait de sa chaise toute confondue et dans l’extrême précipitation, on oublie d’occulter l’écran. L’occurrence pour madame la responsable, de s’esclaffer des images d’une vidéo qui défilent en diagonale, assez éloquentes pour conforter l’idée que l’ordi est resté branché sur une version à l’évidence très américanisée du culte de Sappho. Quelque part aussi l’illustration que son sixième sens ne s’est pas trompé. Les augures ont de ces façons !
* ex-épouse de l’écrivain contesté Tanki Yoradla
Dans l’intervalle, mademoiselle s’était éclipsée par l’escalier de service. Plus une seule apparition les jours qui suivirent.

Pour madame Chou, l’intermède était en soi la remise en cause commode du principe de non-ingérence. Elle qui menait une vie presque rangée depuis l’année de son divorce, surprendre ainsi le touche-pipi d’une mijaurée avait de quoi bouleverser les neurones. Elle allait voir la stagiaire ès sciences évanescentes sous un jour un peu différent.

Oh elle se doutait que la demoiselle cachait des ressources qu’elle-même ne soupçonnait probablement pas. Et puis elle doit être exquise toute nue. Toute en longueur, la figure joliment figée des poupées Kokeshi. Bien faite apparemment, pour peu que l’on apprécie les tendances filiformes des jeunesses d’aujourd’hui. Aucun doute que la perspective de son master de philo la pousserait à revenir chercher la documentation dont elle a besoin. De son côté, la fibre sensitive, l’intelligence à projection, le bénéfice de l’âge, autant d’atouts dont elle pouvait se prévaloir et qui sait ?

Une semaine passe, plus frustrante que des années sans friandises.

___

La semaine suivante.

Elle est venue seule en cette toute fin d’après-midi, mademoiselle Akagi. Jupe étroite, chemisier strict. Indécise, elle s’assied d’abord à l’une des tables, retourne au desk et demande où se trouve l’emplacement d’un ouvrage de Nietzsche. Elle avait bien regardé madame Chou dans les yeux, mais non, hormis un sourire, il n’y avait pas eu d’allusion. Juste quelques mots répercutés façon va voir toi-même.

- Travée 2 probablement. La galerie au dessus.

Ne pas la laisser filer cette fois. La rejoindre dans la travée, faire quelques pas l’air de rien, demander si elle avait trouvé son bonheur et du bout des doigts, agiter le petit portable fuchsia en lançant sur une touche de nippon moderne  

- Ce serait bien que tu passes à mon bureau avant de partir. Tu veux bien ?

Le ton, pas moins que le geste ne souffrait d’équivoque. Le tutoiement non plus.  Ainsi c’était bien elle, l’autre soir dans la coursive... et il y a photo « damned ! »       

En réalité, l’éclat du flash avait renvoyé une image très floutée, presque entièrement blanche de l’instantané. Peu importait en définitive, l’essentiel semblait acquis. Se garder de surenchérir pour autant.

Quelques minutes plus tard, un  « toc-toc »  tout juste audible à la porte du bureau. Le temps de ranger trois papiers, de remettre en place un pan de sa jupe, la porte s’était entr’ouverte.

- Vous désiriez me voir ?
- Ben oui... Peut-être un peu plus. Mais entre voyons.
Bras croisés sur le sofa, une madame Chou ravie se passe en boucle les images cent fois resurgies depuis une semaine, oh combien frustrantes de par leur goût de trop peu.

Aborder le sujet de la façon la plus pragmatique qui soit, un « must » en somme. Ainsi se passer de fioritures, faire qu’un chat s’appelle un chat sans se montrer inconvenante, au moins dans un premier temps. Souriante et naturelle, quoi.

- Eh bien, ne sois pas si lointaine. Est-ce qu’ils ne sont pas exquis, ces petits moments ?
- Alors ?... vous en déduisez ?
- Bah, que tu dois te douter depuis l’autre soir, que je meurs de l’envie de te voir faire. Nue cette fois.
- Je… euh… C’est un gag !
- Ai-je l’air de blaguer ?

Ah le jeu des questions et des réponses évanescentes. Les petites gênes et ces points sur les i en lapalissades, que l’on sait à même de faire tilt le moment venu. Elle se veut pourtant toute pateline, madame la bibliothécaire. Ainsi ne pas se risquer à dévoyer l’incident. La diplomatie est une science avérée, n’est-elle pas ?  

- Allons viens t’asseoir. Et ne sois pas si timorée… je t’ai trouvée ravissante.

Instants d’éternité. C’est long l’éternité, surtout vers la fin, lorsqu’on se demande à quelle sauce on va être apprêtée. S’enchaînent d’un côté les  y’a qu’à qui s'essaient à l’alibi des coïncidences, de l’autre la sensualité qui se mue en drogue, l’adrénaline en antidote de la routine.

Empruntée telle une gamine à qui il manque deux sous pour en faire quatre, les bras croisés sur la poitrine comme pour un consensus à minima, mademoiselle se décide à venir poser le bout des fesses sur le bord du canapé. On toise la madame dans un dilué de rage mêlée d’innocence et on attend.

- Alors ? On commence par... la jupe ?... le chemisier ?
- Vous ne le direz pas ?
- Tsss ! Avec qui pourrais-je échanger mieux qu’avec toi, je me le demande.

L’amorce d’un sourire, enfin. On se dandine, on passe ses nerfs sur les boutons du haut, mais on les défait. Lentement, un à un, consciente qu’une objection serait inopportune. Le dernier bouton saute, on baisse les yeux, on ouvre le chemisier en grand. Recherche incertaine d’un satisfecit en devenir. Puis on le jette sur un bras du canapé. Désinvolte.

- Et la jupe ? Mais lève-toi... ce sera plus facile, non ?

Derrière mademoiselle, le long miroir au dos de la porte renvoie des images obliques au gré des déhanchements. Par intermittences, trop souvent. La taille de la jupe qu’on s’essaie de tourner autour des hanches pour libérer le zip ou défaire les crochets d’un air contrit mais appliqué... Touchantes, les petites gênes. Décousues certes, mais animées d’une bonne volonté indéniable. Non elle ne pouvait pas rater ça, madame Chou.

- Et si tu t’avançais face au miroir ? Bien en face.
Jambes croisées, les mains sur les genoux, on guette un geste, une attitude. Croquer dans l’instant cette lèvre qu’on se mordille, si tentante, si gracieuse qu’on ne saurait la trouver inférieure et qui rappelait à l’envi les intermèdes de la coursive ? L’initiative était séduisante, mais bien trop prématurée.

- Ne dites pas, jolie demoiselle, que vous n’aimez pas vous regarder.

L’attirance pour soi-même ! Substantifique moelle, concentré de proximité à nul autre pareil glissé en filigrane dans les incites du langage. Pour autant, ne pas se risquer à précipiter l’ébauche d’un assentiment. Et pour que suivent dans un ordre encore indéterminé collant et soutien-gorge, l’index tendu de la madame laissait peu de place à l’interprétation. Un regard attendri tout de même.

- Soit… le collant, si tu préfères.

Pirouette ? Eh non, étonnamment. D’une docilité déconcertante, mademoiselle. Pas un mot hormis le jeu de l’équilibre sur une seule jambe, bientôt suivi des fronces du nylon que l’on fait glisser sur l’autre en à peine plus de temps qu’il en faut pour le dire. Le soutien-gorge n’allait plus être que prétexte à ni-ni.

- Eh bien quitte-le. Qu’est-ce que tu attends ?
- Que vous le demandiez gentiment.
- Sinon ?
- Je… j’sais pas.

L’air renfrogné, un peu. Des épaules qui ondulent, une main qui remonte le dos, puis l’autre presqu’aussitôt. On louvoie, on s’enveloppe dans les méandres de la féminité. On va même jusqu’à tenter de noyer le petit clic dans un toussotement, ou à s’étonner de la bretelle qu’on laisse filer. Oh on essaie bien de maintenir les bonnets en place mais…

- Que c’est laborieux ! Allons miss Nitouche, découvrez moi ces jolies doudounes, qu’un certain soir vous étiez à deux doigts de laisser témoigner.

Se draper dans un sursaut d’arrogance pour faire mentir les apparences ?

- Pfff… profiter de la situation, à votre âge.
- Mais ma chère, je n’te force pas. Tu as bien vu par toi-même que l’image du portable était insignifiante. Inexistante, en somme.
- Oui mais...
- Et puis est-ce que l’âge n’est pas synonyme, disons d’expérience ?

Pas sûr que l’apostrophe fut pertinente. Depuis quelque temps, la question se faisait dérangeante : à partir de quel âge n’est-on plus considérée comme baisable ? Personne ne te le dit, mais il y a des signes. Alors mentir par omission, ou réagir.

Projeter cette égérie d’un genre nouveau, la femme de 40-50 ans professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, proposant une beauté pure sans Botox ni Photoshop en est l’expression manifeste. Une raison parmi d’autres de ne pas s’égarer dans les excès du langage. Les mots s’ingénient à créer le trouble jusqu’à l’outrance, mais à chercher le crescendo dans les émotions, on abuse parfois des formules qui retiennent la main dans un panty, quand les idées se veulent juste à projection.

Obtenir de mademoiselle qu’elle revienne face au miroir pour quitter sa culotte se conjugue dans la nuance. Qu’est-ce qui est plus incitant que la vue de sa foufoune pour que naisse l’effet recherché ? Des expériences avaient démontré l’utilité de la ficelle. L'attendrissant dans le contexte restait qu’elle fasse seule et ça, elle sait faire. 

Long soupir sur le sofa. On veut se convaincre que réveiller l’eau dormante exige des accommodements dans la durée. On se déhanche, on étire bras et jambes pour prêcher la sublime implication et on se prolonge avec des yeux de braises sur le triangle des voluptés. Il n’y a d’outrage somme toute que dans l’indifférence.

En face, c’est Tergiverse & Co. Mademoiselle en mode recherche d’une contenance, les mains plaquées sur la poitrine. Enfin plaquées… si tant est que le petit va-et-vient de deux doigts sur le bout d’un sein puisse être considéré comme inopiné. Ainsi ces tétons fièrement érigés, l’effet des ondes gravitationnelles sans doute.

- Continue... Mets ta main dans ta culotte. Toute la main comme l’autre soir.
- !
- C’est ce que tu fais d’habitude, non ?
- Des fois.
- C’est chaud ?
- Un peu.
- Et mouillé ? Lèche tes doigts et dis-moi ce que ça sent.
- C’est… c’est doux.

Un ruban distendu sous les errements, très... très bas à la taille. Oh et puis tout mimi, ces premiers signes d’une pilosité clairsemée qu’une main désinvolte avait jusqu’ici occultée et qui là, pointe sous le liseré de l’élasthanne. Une invite papillonnante que la demoiselle ne semblait pas, mais alors pas du tout pressée d’escamoter. Si l’insouciance a ses limites, la patience peut avoir les siennes.

Quid dès lors du regard incendiaire de la madame, de son doigt tendu ou même de la transparence affichée du programme pour que demoiselle enfin, se montre disposée à glisser ses mains sous l’élastique et que tombe la symbolique dans son inconsistance.

- Que de coquetteries pour dix grammes d’un «lady-brag » ! Ben alors... enjambe-la cette fichue culotte et tends-la moi.

Madame rattrape le slip au vol, l’enfouit dans son visage. S’avancer toute emplie des effluves d’un été en pente douce ? C’était là encore prématuré. Les exquises contractions de mademoiselle devant son écran revenaient en filigrane. Trop vite, trop sottement galvaudées par celle qui voyait en la fringante petite jap l’égérie de fredaines en devenir.

La regarder se masturber avant de l’apprivoiser, c’était aussi ça, le b.a.-ba de la docilité. D’ailleurs n’était-ce pas depuis le début, ce qui avait été annoncé ? Il n’y a pas trente six recettes. Le contexte, l’humeur, la psychologie, les odeurs, tout entre en jeu. Plus question de faux-fuyants, ni de calendes grecques sous un avatar vanille-fraise. Juste d’envies.
La moue réfractaire comme pour braver la madame dans ce qui semblait ne plus être qu’une banalité, mademoiselle s’était inscrite aux abonnés intermittents. Les mains dans le dos, on ondule des épaules, on brocarde, on se dit « elle ne va pas insister jusque là » mais on sait aussi d’expériences, qu’on peut très bien se caresser debout. Plancher sur le précepte fontaine-je-ne-boirai-pas, ne tenait alors que de la contradiction. Ainsi ne pas laisser subsister d’équivoque. Revenir aux fondamentaux.

- Mignon, le sexe des anges. Remets ta main. Touche ton clitoris. Il se dresse ?
- Je n’sais pas.
- Eh bien penche-toi et regarde ! Caresse un sein en même temps. Et frôle l’autre tout doucement, comme un certain soir où tout n’était encore qu’à la dérobée.

Cool ! Ne pas perturber les inclinations. La perversité à dose homéopathique, le contact avec les zones érogènes, par procuration. À certains signes, on était à bouts touchants. Ce long regard citron-vert dans l’entrecuisse de la dame en était un. Sybarite accroupie aux pieds du sofa, résolument plus communicative qu’à la recherche hypothétique de son portable ! Le genre d’initiative a au moins l’avantage de gommer les barrières sociales.

Elle n’a rien dit. Mais qu’une jolie ona-geisha débride des yeux papillonnants au gré de quelques arrêts sur images avait démontré des inflexions. Switcher d’un écran plat vers une évocation plus pragmatique, l’effet boomerang pouvait être flatteur. Demoiselle en eaux troubles ne cherchait d’ailleurs plus trop à esquiver. Il y avait bien eu ce geste pour dévier l’approche de la madame, son « handy » dans la main. Vite estompé.

- Le bel instantané ! Ne pas le glisser dans ma boîte à malices serait cette fois un crime de lèse-photos, tu ne crois pas ?
- Non pas ça.
- Allons donc... écarte ta vulve, en grand.

Injonction à l’issue improbable. On voudrait faire prendre la pose. On envoie en riant quelques perles qui n’ont de commun avec l’art de la dentelle que l’effet d’ajouré. La façon prudemment couguar de la dame, de marquer son territoire.

L’air désabusé, les prunelles presqu’immobiles, mademoiselle se décide enfin. On tend le bassin un peu plus que de raison, on détourne la tête, mais on obtempère. Estampe animée dans les plis d’un kimono. En face, c’est zenitude contemplative. Madame se coule dans la brèche telle une méduse dans un bol époque Ming.

- Ecarte les jambes mieux que ça. Tendre ainsi son intimité, n’est-ce pas une jolie façon de s’attirer les bienveillances ?
- Qu’est-ce que vous croyez ? Je n’suis pas une... enfin, c’que vous pensez !
- Ai-je dit ça ? Mais supposons, supposons juste que j’obtienne les sujets des épreuves de philo, la semaine prochaine.

Grand silence. Hasardeuse, l’insinuation. On dira qu’elle a glissé de la main. Au pire, laisser planer le doute, au mieux jouer l’ambiguïté. La gentillesse vénéneuse, en somme. Ne pas relâcher la pression. « Lorsqu’on est maladroit de la main gauche, autant essayer de ne pas être gauche de la main droite » dixit un magicien. Au delà d’une allusion malencontreuse, il faut savoir revisiter la perspective.
Etait-ce alors dans la seule équivoque, ou pour la perspective que madame s’était accroupie à bonne hauteur ? Oh loin d’être innocente, la posture escomptée. Mais bon, les retombées d’une pub qu’Elisabeth à Barden n’aurait assurément pas cautionnée feraient leur bout de chemin. « Et puis la guêpe ne va tout de même pas se montrer bêcheuse ad aeternam, non mais ! » La moue réfractaire, quelques génuflexions et les fortunes du moment laissaient bel et bien entrevoir une ouverture.

Le visage penché sur ses cuisses, mademoiselle se la jouait blanche comme neige. La convergence des regards était pourtant manifeste. Il y a tant de manières de dire les choses sans parler. Quand soudain en relevant les yeux... « Oh mais serait-ce qu’elle y mettrait du sien, la jolie maïko ? »

Mains sur les hanches, on projette le bassin. Coup d’oeil dans le miroir sur ce vis-à-vis improvisé, on se regarde condescendante. Mais que ne se prête t’on au jeu ? On promène la langue entre les lèvres, on joue de ses dix doigts et à peine moins tendue, on fait celle qui se surprend à cajoler de près, de très près son intimité. Il n’en n’avait pas fallu beaucoup plus à la madame pour se fendre d’un sourire enjôleur.

- Eh bien voilà ! Allez redresse-toi. Creuse un peu les reins et tiens tes grandes lèvres écartées. Oui comme ça... ne bouge plus.

Deux petits clics s’intercalent. Décidemment scotché sur « on » le flash du portable !

___


On se relève satisfaite. On entoure demoiselle à la taille et on revient tranquille, se poser sur le canapé. Ne pas rester debout sur les freins au prochain virage et la bouche en cul-de-poule, orienter quelques références imagées, ne serait-ce que pour susciter des faire﷽﷽﷽﷽tant qurtéeecomparaisons. On va même jusqu’à lâcher un prénom.

- La petite vingtaine. Un peu comme toi... en moins bien, bien sûr.
- C’que j’m’en fous !

Raté, l’effet mime ? Pas évident. L’écho des collines, même au stilligoutte, intime et autobiographique tant qu’à faire, a toujours d’indéniables vertus de projection. Que la demoiselle fasse celle qui s’en badigeonne le nombril avec le pinceau de l’indifférence n’y changeait rien. Le côté éminemment flatteur sans doute, de se voir sylphide des attentions. Et puis la curiosité, n’est-ce pas ?

- C’était qui ?
- La fille de papa-maman, rencontrée de façon inattendue dans une soirée ringarde, un jour de Thanksgiving.
- Alors ?
- Quelques penchants, à défaut d’expérience. Mais bon, elle était amoureuse. Enfin... attentiste, disons. On a fini par convenir d’un dîner en ville, le lendemain.
- Elle est venue ?
- Petite robe en lainage, rose ardent.
- Et puis ?
Point trop n’en fallait. Les grandes lignes toujours, lorsqu’une anecdote mal ficelée interpelle la question. L’insidieux « j’ai voulu la voir quitter sa culotte avant le dessert » usé mais vrai sans doute, n’était qu’une façon d’esquisser l’image en relief. Et qui sait, donner du fil à sa moulinette. Evoquer en s’épanchant à minima. Qui réfuterait que la curiosité génère des réactions surprenantes ?

- Elle l’a quittée ?
- Qu’est-ce que tu crois ?
- Ben... je n’sais pas.

Prudente, la demoiselle. On croise et décroise les jambes, on voudrait esquiver les regards sur sa foufoune pour ne pas créer l’amalgame. On fait dans la désinvolture, mais on réalise aussi qu’on est toute nue sur un canapé et que la dame à côté n’a d’yeux que pour toi. Et puis il y a les descriptions, scabreuses parfois, qui ne font pas que dans la coloration. « Mais bon, si la suite ne fait que planer au niveau des souvenances, pas de quoi en faire une grossesse nerveuse, hein ». La magie du non-dit pourtant... ,on réalise aussi  

- Après le dessert ? Pas dans les toilettes, quand même !

Nouvel éclat de rire.

- Pourquoi pas ? J’avais un atelier de gravure dans une rue voisine. Et la jolie dame était éprise d’art figuratif, figure-toi.
- Alors ?
- Oh mais, je vous trouve bien curieuse tout à coup mademoiselle.
- C’est encore votre p’tit doigt qui vous dit ça ?
- Tsss (entre les dents)   J’t’en mettrai des p’tits doigts ! « Sans cesse à côté de presque tout, ces demi bouteilles. Rageant à la fin. Mais j’en connais d’autres... C’est comme ça qu’elles ont toujours réussi à rater leurs examens ». (Cqfd !)  

  La parenthèse des insinuations affables refermée, fallait-il revenir au Tao en tant que résultante de la dynamique de deux principes - l’unité dans la confrontation - qui suffit à caractériser la pensée post-confucianiste dans son avantage spécifique : l’harmonie par rapport au dualisme comme chacun sait ? 

Foutaise ! Plancher sur le précepte je t’aime-moi-non-plus pour que princesse se sente... disons concernée, c’était ferrer une anguille avec un fil de guimauve. Le feuillet des résurgences perso s’était montré jusqu’ici bien plus accrocheur. Des yeux mi-clos et ces rétractions en saccades qui lui parcouraient l’échine en étaient témoins.

Sur le canapé cependant, le renvoi de l’ascenseur se faisait attendre. Autant revenir à des notions palpables.

- Mon p’tit doigt me dit que toi aussi, tu dois adorer te pencher sur ton coeur-fendu quand tu te caresses. C’est vrai ça ?
- Puisqu’il vous le dit, votre p’tit doigt !

Crispante demoiselle. Fasse qu’un jour elle regrette ses sorties emballées sous vide. Les amabilités du genre « elle va m’em... nuyer longtemps avec ses caprices de vieille ? » mâchonné en sourdine, n’allaient pas arranger des vanité exacerbées, ni gommer ses petites arrogances. Elle devait s’en douter.

Si dénicher la faille qui ferait qu’elle s’apprivoise tout en restant elle-même impliquait de se montrer affable, obtenir qu’elle se câline en sa présence demandait un sens affiné de la persuasion. La gageure postulait de faire belle l’allégorie d’une séduction que l’on dira in vitro pour faire simple et qui n’avait jusque là pas si mal fonctionné.

L’incartade du « si elle disait vrai, la madame » pour les sujets des épreuves de philo, c’était admettre que lorsque l’altruisme se mêle à l’incongruité, c’est bien quelque part Confucius qui se fout de la charité. Alors au fil des inconsistances et pour ne pas se laisser enfumer par une brouillonne à géométrie variable, rebondir sur moins déjanté devenait l’évidence. La quête de la pierre philosophale, en somme.

Drôle d’ailleurs et symptomatique, ces cuisses serrées que l’on strie de ses dix doigts. Et cette moue qui se veut contrariante, juste pour qu’à côté on ne soit pas tentée de confondre indécise avec inébranlable. Enfin c’est selon, parce que quand on n’est pas fichue de démontrer !

Alors hasarder une incursion entre les cuisses justement ? Initiative téméraire, geste improbable auquel on croit comme au tiercé dans l’ordre et qui rend les fous joyeux. Hors de question sans l’ébauche d’un assentiment.

Silences et points d’orgues sur le canapé. Madame dans ses cogitations, mademoiselle encore peu encline à composer.

L’extrémité du bout d’un doigt qu’elle tournicote autour de son pubis pour y enrouler un poil improbable, ce n’est certes pas encore Byzance. L’approche d’un Mont-Fuji en déshérence, disons. La candeur parle à l’épiderme, alors laisser faire. Et pour le petit plus, augurer de non pas si, mais juste de quand en assumant que le comment soit un détail de l’histoire.

Glisser trois mots in-extenso était dès lors la cerise sur le gâteau.

- Je peux toucher, moi aussi ? Si mademoiselle le veut bien, bien sûr.
- Et avec ça, je vous coule un bain ?
- Oh ! Tu dis ça par bêtise, ou par méchanceté ?
- Choisissez.

Décidément, mademoiselle avait gardé de sa période fauve une candeur et un aplomb qui la mettaient à l’abri des retombées. Mais là, trop c’était trop. Madame se retourne, interdite si l’on peut dire, la bouche rectiligne, le sourire harissa.

Cette nouvelle esbroufe, un point de non retour. Ne plus s’en laisser conter. Plaquer une main derrière la nuque, là sous une mèche que l’on vient d’écarter, calmement mais résolument. De l’autre, pointer un index sur le menton avec assez d’élégance et de détermination pour faire comprendre que le temps du verbiage était révolu. Ou alors en rester là et couper court à l'aparté, telle était la question.

« Non mais… elle va me la jouer cabotine encore longtemps ? » en était une autre.
N’en déplaise aux adeptes du Tao, se montrer infiniment plus entreprenante, quitte à reporter à la lune montante, les débauches de zèle côté tendresse. À l’inverse, jouer la version « marshmallow » tout en titillant les ardeurs d’une ingénue impliquait un pastel de souplesse et quelques aménagements.

Le chuintement d’un moustique qu’attire la moiteur ambiante vient rompre le silence. Madame attachée à ses fondamentaux, mademoiselle droite comme un i sur le bord du canapé, en quête qui sait, d’un nouveau prétexte pour se défiler. On coince les mains entre les cuisses, on s’en voudrait presque d’avoir frappé à la porte. Que n’avait-on prétexté un entretien urgent avec le proviseur.

Opportunisme, petites gênes ou perspective de jours plus fastes. Et si ce n’était pas les bons jours, justement ? Bah, la raison aurait été invoquée bien avant. Et puis ça ne passe pas inaperçu au fil des errances. Enfin... pas totalement.

Le sésame, c’était distinguer le vrai de la posture. C’était s’avancer en maîtresse des orientations et quelque part assumer son charisme. De là à tenter une incartade entre les cuisses, à louvoyer jusqu’à ne plus sentir de résistance et sans un mot remonter à l’orée des grandes lèvres. Quadrature du triangle ! La démarche se devait d’être brève à défaut d’être convaincante.

La voir se redresser, les fesses décollées, projeter la tête en arrière arque-boutée entre les coussins du siège et ceux du dossier. Puis retomber inerte, le souffle court, le buste secoué de petits soubresauts. Fringantes incartades qu’aucune pédagogie ne saurait remplacer. Pour autant, la façon n’était pas de mise, loin s’en fallait.

Et puis se tenir ainsi mini pont romain sur les avant-bras, on fatigue. Souveraine en d’autres circonstances, l’alternative n’était là simplement pas envisageable.

Pas idéal non plus ce canapé de l’ère Ikea, qui ne tenait que par la grâce d’un usage à minima et qu’on réservait jusqu’ici aux entretiens du service.

- Lèves-toi… Viens.

Debout face au miroir, les hésitations, les embarras, même les rebuffades ne peuvent plus être qu’affectations et faux-semblants. Guetter un battement de paupières, la lèvre qu’on se mordille encore et toujours, cet air absent soudainement appliqué et cette façon de se regarder au format 3D... Oh cette façon ! Tout ou presque dans ces moments laisse entrevoir des lendemains qui chantent. Ambivalente demoiselle. Obtenir qu’en si bon chemin, elle se laisse doucement pénétrer ? Une pensée pérenne que même dans des circonstances moins alambiquées, il fallait décaler.

La résurgence de cette fragrance sur les doigts, empreinte exquise de cyprine et de salives mélangées était certes une perspective alléchante. Un Stradivarius pourtant, demande de la douceur et un pincé long. Si l’expérience a ses schémas, c’est rarement dans la précipitation. Autant s’en tenir au figuratif, aux évocations qui caressent la libido, à celles qui incitent et provoquent autrement que par le geste emprunté à l’ineffable cursus masculin. À vouloir trop bien faire, on complique. On délaisse le côté attachant qu’une jeune fille bien née s’attend à trouver chez une aînée, le côté câlin.
Le visage penché sur une épaule, croire en sa fortune puisqu’augurer d’une attitude c’est dit-on, faire belle la part de son ascendant. Et puis la méthode « sex-friendly » a ses côtés ludiques. Oh ce n’est certes pas l'extase, ni la passion qu’on avait jusqu’ici prudemment esquivée. Non c’est juste l’empreinte d’un moment, accolée aux images que les gestes et les mots transcendent.

- Je voudrais que tu te racontes, toi aussi. Que tu me dises tes rencontres, tes envies, tes moments d’intimité quand tu es seule.
- C’est nécessaire ?
- Non, mais ce serait bien.
- !

Grands yeux condescendants, on temporise. On voudrait se cacher dans un trou de souris, mais il n’y en a plus. Elles ont émigré chez Disney depuis des lustres. Alors on se lâche à moindre coût.

- À la plage des fois, il y a longtemps.
- À la plage ? Comment ça ?
- Dans la cabine. En grimpant sur la banquette du fond.

Confidences au décrochez-moi-ça, vibrations en perspective à ce qu’on dit. Ne pas en demander beaucoup plus dans l’instant.

- Un miroir au dos de la porte, je suppose.
- Un petit.
- La belle affaire. Et puis ?

Plancher sur des facéties informelles, celles qu’on aborde quand on se connaît mieux ? À quoi pensait-elle ? Se caressait-elle nue ? Ou le maillot à mi-cuisses pour pouvoir le remonter vite au cas où ? Riez mesdames, riez parce que ça ne vous est pas arrivé, mais croyez-le, ces situations sont gênantes quand le boy de service ouvre la porte sans prévenir pour un coup de serpillière. Autant naviguer en eaux moins agitées.

- Ne disais-tu pas que la gardienne... certains après-midi ?
- On colportait qu’elle aimait les filles. Mais bon, c’était abstrait.
- Faudra que j’te donne des astuces, pour aiguiser ton intuition.

Demoiselle espérait-elle garder longtemps encore cette candeur insolente qui avait jusqu’ici plutôt bien fonctionné ? On était même allée jusqu’à cogiter que madame pourrait s’accommoder d’un dîner en ville. N’y avait-il pas eu un précédent ? Madame elle, s’était distancée de ces considérations. Un sourire, un geste du doigt, lapidaire.

Enhasard d'jamais arrivé, mais croyez-le, ces situations sont f- Eh bien tourne-toi et regarde-toi. Toute entière maintenant !

Dans le miroir, le Yin et le Yang se fondent dans leur complémentarité. Le contraste de la peau nue avec le grège et le noir de la tenue réglementaire. Troublante opposition.

Madame se complaît dans le rendu de Pandore bien plus qu’à la cantine d’un Mac-Do. On sourit de la cambrure d’un derrière qui mériterait bien une fessée, depuis le temps.
Dire qu’on croyait arriver vite à ce que demoiselle se griffe le ventre, dans ce contexte cousu d’un si joli fil à sa patte. Au delà des coquetteries, il fallait différencier les signes de ce trouble qui mélange à foison curiosité, forfanterie et incitations.

Ainsi se lover dans son dos pour dissiper une résistance futile. L’initiative s’était faite spontanée. Que n’avait-on distingué plus tôt voir demoiselle écarter les bras, aider au passage les mains à se glisser sous les aisselles ? « Alea jacta est » en patois javanais ! Lorsqu’on on se laisse cajoler un sein sans rechigner, que l’on pouffe des quelques évocations tombées dans le cou, les sursauts de vanité ont le ventre creux.

- Se savoir regardée, n’est-ce pas se redécouvrir à quatre z’yeux ?

Allait-elle longtemps encore ignorer ces invites susurrées à l’oreille, qui trouvent leur écho jusque dans la moelle épinière ? entee àOn toise un regard, puis très vite sa propre image, presque immobile dans le miroir. On se mordille la lèvre, on pousse un petit cri strident à sentir des index s’enfoncer dans les aréoles, puis relâcher aussitôt, deux fois, trois fois, en cadence. Quand les pulsations virent en zone rouge, c’est toujours un peu gageure que de vouloir en braver les conséquences.

Les bras écartés, le bassin tendu, on avale sa salive, mais on laisse faire. On se cambre à sentir une myriade de fourmis courir le ventre, frôler le creux des ovaires à cet endroit où le dos perd son nom, puis déferler vers le haut des cuisses en empruntant quelques détours. Une délicieuse insouciance et quelques aléas en salle de lecture viendraient-ils marauder en transparence ?

- Tu vois « On ne naît pas femme : on le devient » disait une grande dame.
- L’amoral d’une vérité, c’est d’être modulable au gré des circonstances, non ?
- Peut-être. Il y a pourtant deux choses qu’on ne peut cacher : l’amour et la toux. Dès lors, serait-ce amoral ou modulable de se montrer amoureuse sans toussoter ?
- !
- Moi qui ai un faible pour les petites poitrines, vous me comblez ma chère.

La remarque se voulait-elle inversement proportionnelle à la taille des bonnets ? Vaille que vaille, le fou-rire de mademoiselle méritait bien l’apologie. Mais quand donc allait t’elle recadrer ses petits airs de vierge effarouchée ? Obtenir d’une jolie naïade qu’elle se caresse candide procédait de l’art autant que du doigter.

Rebelle, instinctive, fantasque. Ambivalente aussi. Presque tout se mélange chez elle. Attachante et distante, à la fois si proche et si étrangère, elle a cette capacité de se maintenir à la lisière de l’abandon. Or quand donner un sens aux émotions se conjugue au présent du laisser faire, comment douter que le temps soit à l’humidité ?

Ainsi lui laisser l’initiative. Quid de ces jambes que l’on croise et décroise, de mains coincées à la jonction des cuisses ou de ces pupilles soudain transparentes ? Quand les affres de l’effervescence à fleur de peau sont manifestes, il fait très beau ! Et lorsqu’une demoiselle tend son abdomen plus que de raison, balade nerveuse la main sur ce qu’il convient d’appeler sa privauté, Byzance n’est plus qu’à une enjambée.

- Relaxe ! Regarde-toi mieux que ça. Tu ne devais pas être aussi sage dans ta cabine.
Ah ce sixième sens qui sait distinguer le vrai de l'approximatif, semer les petits cailloux qui mènent au jardin de mignonne et invite à aller voir si la rose...

Switcher du galbe d’un sein vers l’avant-bras, obtenir qu’elle confisque elle-même le sens de la rotation. Que de perspectives, sous la caresse d’un mamelon.

Faire en sorte qu’elle redevienne captive de ses charmes, voir les doigts s’imbiber de brillances en courtisant sa vulve. L’après n’est qu’une question d’initiatives. Au delà de l’organe bien sûr, il fallait y voir l’origine de la vie, mais dans l’instant...

Entre séduire et provoquer, la frontière est ténue. Madame se devait-elle de camper elle aussi devant le miroir, de relever sa jupe à la taille ou de rter distendre le liseré de son « panty » au delà de la décence ? Oh l'invite n’était pas anodine. Les voies de la séduction sont sinueuses, quand l’efficience est au mimétisme.

- Retourne-toi ! Ah ces filles qui aiment se faire prier. Tourne toi, j’ai dit... Et touche-toi.

On toise la madame, une main plaquée sur un sein, l’autre à la jonction des cuisses. Sourire de l’ingénue en état d’apesanteur. Discerner les penchants d’une aînée et ne plus se sentir intimidée... « sonnez et entrez » devait être inscrit sur la devanture.

- En le demandant gentiment, aurai-je enfin le privilège de te voir te caresser ? 
- Vous allez dire que je suis nympho, n’est-ce pas ?
- Quelle question. Bien sûr que non ! Désirable par contre...

Fringante demoiselle espérait-elle encore se donner une contenance ? Madame ne se contenterait plus d’un nouveau fou-rire. Ah la méthode Coué, servie sauce mandarine ! On devrait tresser une couronne à ce brave pharmacien.

- Sais-tu que tu n’es jamais aussi jolie que lorsque tu laisses courir tes doigts entre tes parenthèses ? Continue. Non attends... v Presser un peu plusentre deux doigtsiens t’asseoir. Là, sur le bureau. Les pieds bord, les jambes écartées.
- !
- Ben oui... je te veux instinctive, obéissante. Animale en somme.

Les mots ont leur écho autant que la façon de les exprimer.

Un hochement de tête de haut en bas. Lèvres pincées, le buste relevé, on s’appuie sur ses coudes. On regarde la madame finir de dégrafer sa jupe et on se redresse lorsqu’une main presse l’épaule, tire doucement la nuque pour s’aventurer dans un premier long baiser. Indéfini, saveurs myrtilles. On dira plus tard qu’on ne s’en souvient plus. Enfin... plus très bien.

Madame s’était installée en vis-à-vis dans le fauteuil pivotant. Au mur derrière elle, le Feng Shui, ce masque intemporel souriant façonneur de l’énergie environnementale.

Mademoiselle est paraît-il rentrée chez elle tard ce soir là.

___
Les mois avaient passé, le printemps était en avance.

Les examens de fin d’année eux, ne s’étaient pas déroulés de façon enthousiasmante. C’avait même été catastrophique. Du coup, mademoiselle était allée se ressourcer au pays des matins calmes et était revenue bien décidée de forcer son talent à la rentrée. Paternel ayant décrété qu’il couperait les vivres en cas d’un nouvel échec, elle avait entamé ce semestre de tous les dangers avec l’intention louable en soi, de décrocher au moins un accessit d’ici fin juillet.

Au plan relationnel, le doute n’était plus vraiment de mise si tant est qu’il ait existé. Elle avait pris de l’assurance, mademoiselle Akagi. Pas de grandes résolutions, non. Elle avait gardé cette façon d’aborder certaines choses, qui ne correspond pas toujours à l’idée que l’on se fait d’une descendante des samouraïs. Mais bon, les ancêtres n’allaient pas s’offusquer de voir une cadette s'émanciper.

Il y avait eu quelques frasques au pied levé. Rien de transcendant, simplement parce que la conjoncture ne s’y prêtait pas. Il y a des portes ouvertes, il y a des portes fermées, on oublie trop souvent les portes entr’ouvertes, à l’image de cette escapade aux  bains-douches de Koreatown, un après-midi de cours en différé.

La gentry féminine de la côte ouest s’y retrouvait paraît-il, pendant les festivités du Nouvel-An chinois. Oh pas uniquement pour s’attacher les grâces du Bouddha. C’est madame Chou qui l’avait introduite. Sans doute avait-on estimé les raisins un peu verts cet après-midi là.

Et puis il y eut cette rencontre dans le bus, un soir au retour de San Diego.

Il faisait une chaleur moite en ce début d’été. Depuis quelques semaines, le cours de biologie se donnait dans les serres et les jardins de la fac, un peu avant la ville. En cause, des réfections qui n’en finissaient pas à LA. En réalité, ça avait commencé dans le bus du matin déjà. Pas les « Greyhounds », non. La navette par le littoral, souvent bondée jusqu’après Anaheim. On est debout à regarder défiler le paysage, on se tient comme on peut jusqu’au prochain virage. On réajuste son fourre-tout sur l’épaule quand on sent glisser la lanière et on se retourne pour tenter de savoir d’où viennent les mains qui te frôlent les cuisses depuis un moment.

Il y a des gens sans gêne, mais en principe ça ne dure pas. Là, c’était devenu récurrent. Qu’est-ce qui lui avait pris de mettre un short aussi court ce matin-là ?

Entre celles et ceux qui ne savent parler qu’à leur téléphone et un type juste derrière, du genre  pithecanthropus-erectus  au faciès d’intellectuel de broussailles, les oreilles pulsées dans le sens de la marche, il n’y avait pas photo. Non, ce ne pouvait pas être ça ! Tout le monde n’a pas la main baladeuse. Et puis signifier un agacement de circonstance ne fait la plupart du temps qu’attiser les velléités.

Se retourner ? Se montrer agacée à sentir des doigts remonter jusqu’à venir te frôler le bas des fesses ? Hasardeux de repérer un visage en deçà du geste. Une place à l’arrière venait de se libérer. De guerre lasse, on affiche un air staccato et on se faufile plus avant dans le couloir.
Un « shuttle » également au bus du soir. Plus rapide, puisque sautant quelques arrêts. Sur la banquette du fond, deux gamins se chamaillent et jouent à qui hurlera le plus fort. Il y a des jours comme ça où le manque d’ogres se fait cruellement sentir.

Ce n’était pas la foule. Mademoiselle avait cédé sa place à une dame d’un âge qui n’en finissait pas de remercier et qui visiblement avait envie de papoter.

- Pas fréquent de pouvoir faire la causette dans le bus, vous ne trouvez pas ?

Echange de banalités. Des questions à propos de tout et de rien, qui finissent toujours en mode chiffons quand ce n’est pas à propos du temps qu’il fait. Là, c’était plus ciblé. Debout dans le couloir, on se tient d’une main au siège de la dame, on s’accroche de l’autre à une poignée qui descend du plafond et on se prête distraitement au dialogue.

- Mais si je vous assure. Il vous va à ravir, ce petit ensemble. Joliment ajusté, en plus.

Brève bousculade dans le couloir. Quelques quidams cherchaient à se faufiler, faisant la place à une présence plus ou moins statique dans le dos. On s’était collée au siège de la dame pour laisser passer, mais derrière, la présence s’était faite, disons enveloppante. Jusqu’à devenir une phrase sibylline glissée dans le cou.

- Vous n’allez pas vous montrer aussi insaisissable que ce matin, j’espère.

La voix était suave, la formule pour le moins ambiguë. Y avait-il une perspective dans ce « j’espère » ? On s’était retournée, confuse aussi de sentir des bras t’enserrer la taille. Une main s’était mise à louvoyer entre les cuisses un peu comme dans le bus du matin, l’insistance en bonus. La pénombre devait être bonne conseillère.

Pendant un moment, on ne dit mot. On reste stoïque, presqu’immobile dès lors qu’on réalise que la présence a le sourire vertical et parce que ce serait comédie que de ne pas se sentir concernée. Et comme pour s’insérer un peu plus dans l’équivoque, il y avait eu cette tentative d’intrusion par le bas, entre la cuisse et l’ourlet. L’échancrure était étroite. Quand les gesticulations sont oiseuses et que déboutonner le short à la taille devient le fait accompli, il est tard pour s’en émouvoir. On prend un air absent, on se persuade que personne n’a l’oeil en coin et on se dit que dame sans gêne allait finir par se lasser.

Oh bien sûr, il y avait eu ce « non il y a du monde » cafouillé à la va-vite. Un bavardage évaporé dans le sourire d’une prédatrice apparemment déterminée, qui ne manquait pas d’air sous les bras. Grande, toutefois loin de l’anorexie. Des cheveux blonds hyper courts, le style Mariza un peu. Garçonne penchants lip-stick qu’on situera dans la fleur de l’âge par manque de repères.

Et puis il avait eu ces inepties glissées à l’oreille, comme si les gestes ne suffisaient pas, qui ne pouvaient être que verbiage et facétieux baratin. 

- Vos yeux... des livres ouverts. J’adore.
- La couleur ?
- Non... ce qui se cache derrière.
- (soupir) Elle est myope ? Ou presbyte occasionnelle ?
Que ce fut par la force de l’inertie ou celle du raisonnement, le short s’était ouvert sur un tanga  Nuits d’Eté  tout strié par instants, des reflets du soleil couchant. Coup d’oeil à gauche, un autre à droite au cas où quelqu’un, n’est-ce pas ? Mais non, dans le bus, c’était la léthargie habituelle.

Décrocher, ou se laisser embarquer dans un truc que même en rêve on n’avait pas trop subodoré ? Quand les démons prennent le pas sur la candeur, certains penchants se remarquent comme le nez au milieu du visage, à ce qu’on dit. Dans le face-à-fesses impromptu, elles n’étaient somme toute pas désagréables, ces mains aux doigts fouineurs qui s’étaient invitées sous le débardeur. L’absence remarquée d’un soutien-gorge s’était même faite désopilante.

- Vous n’en portez jamais ?
- Par cette chaleur !

Amusé, le sourire. On avait fait en sorte que demoiselle se retourne. En face, dame causette triturait nerveuse, une branche de ses lunettes. De là à ce qu’on relève ce qui n’était plus qu’un bandeau de cotonnade vieux-rose jusque sous les aisselles... Il y avait eu un brin de malice dans l’appréciation de la dame soudain redressée sur son siège.

- Ravissante... à croquer, vraiment.

Un abrégé de physique quantique eut été superflu. Il y avait connivence, c’est sûr !

La tournure donnait à la manigance un air de  « montrez-vous-mam’zelle » sans trop d’équivoques. De là à ce qu’on s’insère sous la ceinture du tanga pour laisser apparaître l’exquise carnèle d’une intimité convoitée. Avait-on estimé que le nirvana était dans une approche concrète, peut-être plus que dans la nuance ? Oh il y avait bien eu l’ébauche d’une récrimination, mais quand tout devient limite...

Et puis il y avait cette petite gêne encore, depuis que madame Chou l’avait convaincue qu’un pubis lisse était très tendance. C’était quelques jours avant l’escapade aux bains-douches. On avait fini par trouver que ça faisait kitch. Mais bon, ça avait commencé à repousser.

Les pérégrinations restaient d’ailleurs plus ou moins confinées à la bordure du tanga. Avait-on conclu à un consensus en obliquant du petit ventre plat vers une voie plus directe dans la verticale ? Il y eut un sourire par dessus l’épaule de « si jolie demoiselle », aussitôt suivi d’un clin d’oeil vers dame causette.

- Imaginez que je vous embrasse. Et que je vous pénètre... là, maintenant !
- !
- Nous avons des goûts similaires, non ?
- Pourquoi cette question ?
- Par jeu. Par envie. Pour avoir lu dans les regards, des complicités.

L’éclairage inopiné dans le couloir restreignait les outrances. Plus grand monde d’ailleurs, en abordant les premiers faubourgs de Santa-Monica. Campée sur ses jambes, mademoiselle avait souri en s’entendant proposer « un petit en-cas chez moi ».
Encore heureux que l’on n’aie pas insisté pour faire découvrir sa dernière collection de libellules hermaphrodites. Elle n’en n’avait pas bien sûr. Ou alors si peu.

- « Come on... exchange is good ». J’habite à deux pas.

On prend la main de mademoiselle. Au pied de la marche, dame causette attendait, photographe occasionnelle à ses heures, elle aussi.

Depuis, c’est avec une mauvaise foi touchante qu’on se demandera longtemps encore par quelle étrange alchimie on peut dire non à 9 heures le matin et oui à 9 heures le soir sans que rien n’ait changé entre temps. Sinon l’heure.

___


Les semaines qui ont suivi avaient été relativement studieuses. Sur le plan affectif, c’était le calme plat. Pas la plus petite escapade, pas même le début du commencement de la moindre accointance.

Il lui arrivait de croiser madame Chou sur le campus ou dans les couloirs près de l’aula. Des civilités vite remisées dans un sourire, parfois un signe de la main. Il n’y avait jamais eu véritablement d’allusion. C’était aussi bien comme ça.

À la cafète ce jour là, elle guettait pourtant son arrivée. C’était un peu avant le brunch. Elle s’était assise à l’écart, près de l’entrée. Impossible de la manquer. Il fallait qu’elle lui parle, mais vraiment !

Le constat fut vite sans appel. Quelque-chose ne tournait pas rond.

- Oh mais je vous trouve bien songeuse mademoiselle. Qu’est-ce qui t’arrive ?
- Bof… pas grave.

Il fallait bien sûr éviter de se montrer naïve. Ou pire, ridicule. Une gageure, mais bon... En soi, la question était toute bête : Comment séduire une hétéro qui ne veut rien savoir et subsidiairement la convaincre. Rien que ça.

De façon plus prosaïque, mademoiselle était entrée un soir dans une échoppe de fringues, quelque part sur les hauts de Liberty Park. Un entrepôt plus ou moins aménagé où étaient exposés chaussures, pulls, robes, jupes et accessoires de toute sorte.

C’avait été le coup de foudre, instantané. Pas pour une quelconque fringue non. Pour la vendeuse. Enfin, pour la dame qui faisait office de répondante, apparemment. Oh la proximité n’avait été que visuelle dans un premier temps, mais elle avait marqué au delà du raisonnable.

Ce brusque penchant, elle l’avait perçu comme on ressent des démangeaisons avant une poussée d’urticaire. Il fallait trouver l’antidote, ou tout au moins un palliatif à ce qui était en passe d’être un supplice à fleur de peau, toute proportion gardée évidemment. La question n’était que trop lancinante, au point de venir troubler son sommeil. Pas de doute que madame Chou allait suggérer un dénouement.
Restait à la convaincre du bien-fondé de la demande, ou tout au moins à obtenir quelques conseils.

- Tu n’y es pas retournée ?
- Si. Le lendemain.

Pour faire simple, demoiselle avait branché la dame sur une petite robe à l’intuition. Affable sans plus, commerçante avant tout et hyper pro, la jolie dame. Les gnian-gnians du genre « elle vous irait bien » ou « si j’étais vous, c’est celle-ci que je choisirais » n’avaient pas eu l’heur de déclencher ne serait-ce que le début d’un essayage.

Le lendemain, en furetant dans les rayons, elle avait une nouvelle fois tenté sa chance. Plus tactilement cette fois. Embarrassée, la dame avait vite tourné les talons. Quand bien même on ne se connaît ni d’Eve ni des dents, il devrait y avoir des amabilités au delà du cursus purement mercantile, non ?

Et puis il y avait eu cette farfouille à quatre mains, dans un grand bac à la recherche d’un petit haut. Vite esquivée, l’approche  tactile  vers l’arrière de la jupe. On avait fini par se retourner, on avait écarté la main sans complaisance, toisé demoiselle d’un air distant et on s’était éclipsée indifférente. En fait, elle ne lui avait laissé aucune chance. Hautaine la dame, sinon déconcertante.

- Je vois... Mademoiselle est amoureuse.
- Même pas. Juste envie de la toucher. Qu’elle me voie, aussi. Sans me snober.
- Bah... l’amour, c’est comme un jour. Ca s’en vient... ça s’en va.
- Puisque vous le dites !

Demoiselle allait finir par renoncer. Oublier, passer à autre chose.

Des détails pourtant, avaient épinglé la perspicacité de madame Chou. Un de ces soirs, elle irait faire un tour du côté de Liberty Park. Pour se faire une idée ou pour dissuader mademoiselle d’y retourner. Se voir signifier une fin de non-recevoir plus cinglante encore, le genre est ravageur pour le moral.

Dix heures à peu près, le soir du lendemain. La dame en était à son dernier tournus apparemment. Ravissante, c’est vrai. La trentaine, peut-être un peu plus. Petite jupe plissée que recouvrait en partie un mini tablier sur le devant. Le teint mat, les cheveux plutôt longs qui retombaient de chaque côté du visage. Des origines amérindiennes, probablement. Au delà des petites arcanes, la description qu’en avait faite mademoiselle correspondait assez bien.

Il fallait se faire discrète. Cliente lambda relativement peu intéressée quoi, déambulant dans les étales, nonchalante et pas trop décidée. Près du comptoir, une vraie cliente allait donner l’occasion de s’approcher sans trop se faire remarquer. On entame les quelques pas qui permettraient de se faire une idée et qui sait, détermineraient un prolongement dans la durée.

Le charme personnifié ! Des yeux « ignition », pas de maquillage ou alors discret. Une alliance à la main gauche. Mariée ? Bijou de pacotille ? Quelle importance après tout ?
Bref, l’archétype de la jeune femme énigmatique, impénétrable encore que et toute entière dévolue à son job. La proximité avait été convaincante.

Il y avait ce petit plus d’infiniment troublant dans sa façon de marcher notamment. Alors simple posture, cette attitude qui avait poussé demoiselle à tenter une deuxième fois sa chance et fini par la voir se faire envoyer sur les roses ? Se poser la question, c’était ébaucher la faisabilité. Il fallait se rendre à l’évidence, la dame a en elle cette sensualité qui ferait se rencontrer des montagnes. Il suffit quelquefois de peu pour déclencher un glissement des plaques tectoniques.

Une pensée manichéenne s’était installée sur le chemin du retour : Voir la dame céder aux avances de mademoiselle, si tant est que le challenge soit encore d’actualité. Gageure certes, mais le jeu valait bien quelques chandelles. Le lendemain, elle allait rencontrer demoiselle à la cafète. Ne rien révéler de son passage à la boutique allait de soi et sans façon, la rejoindre tout sourire.

- Alors… toujours amoureuse ?
- Ai-je dit que je l’étais ?
- Non. C’était pour tester ta perspicacité. C’est raté.
- Vous avez une idée ?
- Ben… il y a plein de trucs.
- Vous en connaissez ?
- Quelques uns.
- C’est quoi ?
- Je t’expliquerai. Viens en fin d’après-midi. Au fait... elle est là-bas tous les soirs ?
- Jusqu’à minuit, je pense.

En cette toute fin d’après-midi, c’était entraînement de basket pour semi-sportifs de haut niveau. La cafète étant fermée, on était restées au comptoir. Petit polo, gilet sans manches, jupette et pataugas. Pas la tenue « garden-party » mais après tout...

- Tiens, je t’ai apporté ça.
- C’est quoi ?
- Des gouttes qui rendent intelligent. C’est doux, ça sent bon et ça élargit les idées.
- ?
- En Chine du sud, on l’appelle l’Elixir des Trois-Bonheurs.
- Un seul, ce serait déjà bien mais... 
- Mais quoi ? Je réponds de ce que je dis, pas de ce que tu imagines. C’est du fruit de la passion sur un fond d’Ylang-Ylang. L’anti baume-tranquille, quoi.

Bon... à voir, ce n’était pas le moment de contrarier Madame.

___


Petite douche expéditive au sortir de la salle de sport. On s’était arrêtée deux minutes devant l’échoppe du Viet pour croquer un sushi et en route pour Liberty Park. Pas en scooter, non. Un taxi, c’est plus cool. Et puis, si la dame venait à consentir au verre de la conciliation dans un pub de Malibu... pas vraiment idéal, un scooter siège mono.
Devant l’entrée, la lumière crue au travers des baies dissuadait de s’avancer. C’eut été trop téléphoné. Alors entrer tant qu’à faire. Elle était seule cliente dans l’instant.

Comme la veille, on déambule dans les étales. On jette son dévolu sur un sweet à coup sûr un peu grand. Quelle autre façon après tout d’échafauder un tête-à-tête ?

Oh sage comme toujours et hyper pro, la dame derrière son comptoir. Ce petit air hautain lui appartenait. Il lui allait bien. Lucide sans doute, minutieuse assurément.

- Attendez ce n’est pas votre taille. Je vais en chercher un autre. Pour le passer, c’est juste derrière.

Des idées fusent et s’entrecroisent. Le credo de madame Chou avait vite pris le pas sur un trac improbable. De là à extraire la mini fiole de son fourre-tout. Quelques gouttes, avait-elle dit ? Dans l’intimité du cagibi, « une langue habilement fourrée ferait le reste du chemin » avait-elle cru bon d’ajouter.

Le rideau s’ouvre, on tient le sweet de la bonne taille entre les mains. On l’avait posé sur une chaise, mais à peine retournée, on s’était sentie enlacée. Le petite peste était allée jusqu’à plaquer sa bouche contre la sienne... non mais !

La surprise passée, on avale sa salive, on s’éponge les lèvres d’un revers de main et on reprend son souffle. Décontenancée tout de même. On avait poussé l’effrontée hors du cagibi sans trop de ménagements. S’en était suivi un signe à l’intention des boys qui l’avaient regardée en sortir. « Ce n’est rien... juste une méprise » avait-elle lancé confuse. Tout était rentré dans la norme.

Vers minuit, peut-être un peu plus, un sourire puis un geste vers les deux boys qui se chargeraient de fermer la boutique.

On chemine dans la contre-allée, peu pressée apparemment, d’aller se faire dormir les yeux. On avait fait mine d’ignorer la jeune évaporée qui lui avait emboîté le pas. La nuit était belle, une vraie nuit d’été. Arrivée à l’entrée du square, madame se pose sur l’un des premiers bancs, se palpe le cou, n’a de cesse de s’éventer le visage, de croiser et de décroiser les jambes. Puis elle se lève brusquement.

Un peu en contre bas, l’entrée d’une vieille bâtisse en forme de pagode abritant les commodités était la seule source de lumière environnante. Petit besoin pressant ? On se dirige vers la pagode sans présumer qu’une jeune effrontée allait lui emboîter le pas. Oh à distance, dès lors qu’il n’y avait plus grand monde dans le square à cette heure.

Le silence. Deux commodités côte-à-côte, l’une d’elles la porte grande ouverte, comme une invitation à s’y glisser sur la pointe des pieds. Coup d’oeil sur le haut de la cloison, dans la poitrine, ça battait la chamade. « Mais qu’est-ce que j’fous là ? » Des questions tournent en boucle, quelques unes réconfortantes.

De l’autre coté, le silence toujours. Il y avait eu le froissement d’un tissu et un soupir apparemment. Puis plus rien. « Elle ne s’est pas éclipsée, tout de même... » Encore que pour en avoir le coeur net, il eut fallu se hisser par dessus la cloison.
En grimpant sur la chasse d’eau. Téméraire ! Mais la curiosité n’est-ce pas ? Oh pas la curiosité malsaine, non. La curiosité, simplement. On la dira opportune. L’endroit, le contexte, en rajoutaient beaucoup.

Un soupir encore de l’autre coté. Presque un feulement. Ne plus tergiverser, tenter la bravade ? On dira plus tard, que les circonstances ont le dos rond. Oh pas uniquement les circonstances... Plongeante et à tout le moins indiscrète, l’approche de miss goody-goody.

Un bras en appui, les pieds en équilibre, on « tombe » sur une chevelure. Sur le buste aussi, un peu. En diagonale. Un seul bouton maintenait le chemisier entr’ouvert. Dans le prolongement, la jupe relevée sur les hanches donnait son sens à l’image.

On se mordille la lèvre. D’une main, on retient la jupe à la taille. Du revers de l’autre on se tâte le front, on se palpe le visage. Et en même temps qu’on conforte son assise, on se penche à nouveau sur ses cuisses. Autour des genoux, les reliefs d’un collant et le slip entortillés. Les dieux de l’Olympe se seraient retournés !

Des deux cotés, les poussées d’adrénaline faisaient leur ravage. Dans l’une, demoiselle retranchée dans ses pérégrinations, dans l’autre une dame infiniment moins sage qu’il n’y paraissait, cédant de sa superbe aux sirènes de la volupté.

On avait écarté la mèche qui cachait en partie le visage. Penchée sur ses jambes, on se mordille la lèvre, on presse une nouvelle fois la main entre les cuisses. Le nirvana n’est plus qu’une question de doigter. Chanson de gestes, immuable au fil des initiatives. Contempler en esthète toujours, ce qui dans l’art est admirable.

___


On s’était réajustée. Coup d’oeil sur sa jupe, on passe la main dans ses cheveux et on s’apprête à quitter une cabine devenue exsangue.

Dans l’autre, le temps presse. Il fallait être dans l’antichambre avant que madame ne sorte de la sienne. Afficher un air candide et le plus naturellement qui soit, faire celle qui vient d’arriver.

Oh à peine embrouillée, la belle dame. Le regard abasourdi, elle s’était vite détendue. De là à savoir sur quel pied danser. On avait répondu au sourire par un autre, les mains agrippées à la lanière d’un sac qu’on tenait en bandoulière.

- Il y a longtemps que vous êtes là ?
- Non j’arrive... Envie d’une goutte d’eau par cette chaleur.
- Vous habitez le quartier ?
- Pas loin. Le parc est tranquille à cette heure. C’est agréable, non ?

Allait-on croire à une coïncidence autant qu’à la grappille des fraises des bois ?

- C’était pourtant vous tout à l’heure, au magasin.
- Dois-je m’en défendre ?
- Vous abordez souvent une femme de cette façon ?
- Quand je suis très éprise, oui.

L’échange d’un regard en dit plus qu’une longue palabre. Le sourire de mademoiselle, l’air troublé de madame rajoutaient à l’ambiance.

- Drôle ! Mais je n’suis pas lesbienne. C’est simple, non ?
- Je sais. C’est pour ça.
- Vous êtes perspicace, décidément
- J’aime, quand c’est difficile.

Désarmant, l’aplomb de mademoiselle. Sa démarche bien plus affirmée que lors des incartades dans les étales et cet air de ne pas y toucher. Alors signe de défi, les doigts que l’on promène dans l’échancrure du chemisier ? Madame en manque d’arguments se sentait-elle otage de son insouciance ?

Le temps n’était plus au marivaudage. S’avancer, plaquer les mains sur ses seins et le bas-ventre tout contre le sien. Dans le contexte, la voir défaire une nouvelle fois les premiers boutons de son chemisier eu été la récréation. Certaines choses vont parfois mieux en le disant.

- Ben oui... j’ai un faible pour votre poitrine depuis notre première rencontre.

Oh elle ne s’était pas formalisée à sentir une main se faufiler, relever la jupe et cajoler les cuisses jusqu’à à leur jonction. Posture surprenante à l’aulne des ébauches avortées, alors à la boutique. C’était bien là le paradoxe. Alors s’aventurer dans les moiteurs jusqu’à la source, suivre la progression dans les regards autant que du bout des doigts et guetter une attitude avant de relever le soutien-gorge ?

Elle avait laissé faire, madame. Oh il y avait bien eu ce « vous êtes terrible ! » mi figue, mi raisin. Pas de quoi fouetter un chat. Une chatte à la rigueur... Tout n’est-il pas finalement que vanité ?

Oh et puis cette jupe qui retombe sans cesse ! La coincer là, sous la ceinture ? Inutile. Madame avait anticipé. Transmission de pensées ? C’était l’aspect rassurant.

Se plaquer contre elle, aduler des seins flirtant avec l’arrogance ou privilégier la voie directe quand les voyants sont au vert ? On s’était même laissée embrasser. Mais n’était-ce pas elle en fait, qui avait incité au rapprochement ?

On reprend son souffle, encore toute étourdie par la soudaineté. Curieuse révélation, que de se sentir Diane-chasseresse portant l’hallali... Une « première » que demoiselle assumait encore peu.

Puis brusquement, des bruits de pas... là tout près. Et une silhouette dans le halo de lumière à l’entrée.

« Ben ça alors ! Mais qu’est-ce qu’elle vient faire ici madame Chou ? »
Elle les avait longuement regardées, s’était même retournée avant de s’engouffrer dans l’une des cabines. L’injonction était inscrite sur une porte de grange ! De là le sourire de miss goody-goody. Aigrelet, le sourire.

La confusion passée, on s’était glissées dans l’autre en compagnie de la dame... si sage. Assumer, c’était surtout retrouver un semblant de dignité.

On aurait entendu une mouche voler. Regards vers le haut de la cloison, on pose l’index sur sa bouche, puis deux doigts sur les lèvres de la dame. Oh il y avait peu de chance pour qu’elle se mette à crier au loup... N’avait-elle pas laissé faire, tout à l’heure dans l’antichambre ?

Mais alors qu’est-ce qui avait pu inciter une vieille ensorceleuse à venir jusqu’ici ? Et pourquoi s’incruster à ce point ? Mais bon, demoiselle allait finir par desserrer ses petits poings. Elle n’est pas une perdrix de l’année tout de même.

Un peu comme la nostalgie, les idées n’étaient plus tout à fait ce qu’elles étaient. Dans la tête de mademoiselle, les premières mesures de l’adagio du concerto italien de Bach. Etrange et lénifiant contraste avec l’incongruité de l’endroit.

Debout l’une en face de l’autre, on se tient par la taille. On lance un regard vers le haut de la cloison, au cas où n’est-ce pas ? Mais non, ce petit bruit n’était que la porte d’à-côté qui venait de se refermer sur des incertitudes.

Près du parvis de l’entrée, madame Chou patientait. Elle avait glissé son bras sous celui de la jolie dame.

- Ma voiture est à l’entrée. Venez... je vous raccompagne.

___


Par une nuit de lune voilée, demoiselle cheminait songeuse vers la sortie du parc. Elle s’était assise un instant sur le banc que la dame avait emprunté. Les fluides ont entre eux cette faculté d’être perméables, dit-on.

Dans le taxi, incidemment celui qui l’avait amenée, l’épilogue d’une jolie fable résonnait comme une mauvaise farce : «... jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y reprendrait plus »

On en était à peu près là lorsque le portable de mademoiselle émit sa petite musique. Puis un texto laconique : « Je suis chez moi. Viens nous rejoindre ! »


***


Merci à Simone de Beauvoir, Pierre Dac, Pierre Desproges, Bernard Blier via Michel Audiard, Raymond Devos, Paul Géraldy.







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Histoire de Anne Offel

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